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Coma

de Zed

 

   Comment cela avait-il pu arriver ? Tout est allé si vite. Je ne me rappelle même plus d'avant. C'est comme si tout avait toujours été comme ça. Comme si le bip d'une régularité rassurante avait été là, au creux de mon oreille, depuis ma naissance.

   Et cette étrange sensation morbide. Indescriptible. Sentir son cÅ“ur battre dans sa poitrine, mais en étant plus morte que jamais. Un corps qui résonne. Une carapace vide.

    Je ne ressens plus rien. Comme si la tristesse avait tout englouti, les larmes comme les sourires. Comme si un gigantesque cyclone était passé en moi, nettoyant tout sur son passage, ne laissant rien derrière lui, que des ruines lissées par le sable.

   L'espoir, je l'ai enterré aussi. Mais pas comme il faut, à croire que les courants le font remonter à la surface de temps en temps. De moins en moins souvent. Il coule, lentement mais sûrement. Comme moi.

   La joie, je l'ai oublié. Peut être une séquelle de l'accident ? Je ne sais plus. Elle a disparu, peut-être envolée, peut-être enfouie, comme l'espoir. Mais elle, je suis sûr d'une chose. Je ne la reverrai plus.

   La souffrance. Toujours présente. Mais aucune envie de hurler ou de me tordre de douleur. Elle est bien plus forte que ça. C'est un tissus qui me recouvre, m'enveloppant autant pour me protéger que me tuer. C'est cette boule dans mon ventre, cet étau dans ma gorge à chaque fois que je pose mon regard sur ton lit.

   Depuis combien de temps maintenant ? J'ai oublié. Par la fenêtre, le temps défile. Le cerisier fleurit, les feuilles tombent, la neige le recouvre. Et la boucle se referme dans un inlassable tour de manège. C'est devenu l'unique moyen de compter les années qui passent ici, cernées par ces murs blancs.

   Tu sais, il y a des gens qui viennent. Au début, ils étaient nombreux. Je crois qu'ils nous étaient proches, je ne sais plus. Au fur et à mesure, ils sont venus de moins en moins souvent, puis plus du tout. Maintenant, il n'y a plus que les infirmières. Et nous.

   Je pose mon regard sur ton frêle corps, relié à toutes ces machines.

   Tu n'ouvres toujours pas les yeux.

 

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