top of page

   Je le sens. Il est juste là, dans mon dos. Du coin de l'Å“il je peux voir ses tentacules de ténèbre pourfendre l'air dans un chuchotement menaçant. Je n'ose pas bouger, pas même respirer. Des gouttes de sueur commencent à perler mon front. Que faire ? Hurler ? Et si jamais cela l'affolait ? Et s'il me sautait dessus, ses griffes affutées perforant mon dos, ses crocs se plantant dans ma nuque. Je le sentais déjà, le sang qui glissait le long de mon cou, qui s'écrasait au sol dans un monotone goutte-à-goutte, comme un compte à rebours. Je frisonne. Si seulement c'était de froid...
   Il se déplace. Je peux entendre ses pas feutrés sur la moquette. Il joue dans mon dos, me nargue, me rappelant sans cesse qu'à tout instant il peut bondir sur moi pour éteindre à jamais cette lueur de vie dans mes yeux.
   Peut-être était-ce ça ? Peut-être ne me tuera-t-il pas, ce contentant de me torturer lentement, sans doute quelques coups si et là, histoire de m'ensanglanter un peu. Peut-être ses longues griffes se baladeront-elles sur mon visage, feront le tour de mes yeux avant de me les arracher lentement. Alors je hurlerai de douleur. Et lui s'en réjouira, délectant cette sublime symphonie de souffrance qui émanera de mon corps en lambeaux.
   Ou alors se contentera-t-il d'une mort soudaine et violente, sans souffrance ? Fera-t-il en sorte que la dernière expression peinte sur mon visage soit la surprise ? Compatissante créature, il m'achèvera directement, plantant sa queue hérissée de pointes dans ma poitrine ? Ou encore croquant mon crâne, sa puissante mâchoire broyant sans la moindre difficulté mes os ?
    Je tremble. Imperceptiblement mais sûrement. J'ai peur. Tellement peur. Le monstre dans mon dos. Il se meut avec finesse dans l'air, jouant avec les ombres comme avec mon imagination, retardant sans cesse le moment fatidique par pur plaisir de me voir sombrer peu à peu dans la folie, engloutie par ma panique.
   Il faut que je le vois. Juste une fois. Avant de mourir, pouvoir au moins mettre un visage sur le corps ténébreux de mon assassin. Il le faut. Je rassemble peu à peu mon courage, puisant dans des réserves dont j'ignorais l'existence même. Je n'ai rien à perdre de toute façon, puisque peu importe le chemin que je prendrai, se sera celui de l'enfer.
   Dans un élan de désespoir, je me retourne.
   La pièce est vide.

Monstre

de Zed

bottom of page